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Plein la bouche

Une ratatouille concoctée par Alexandre



Rodrigo à Natales : « On m’a demandé pourquoi vous faisiez ça et surtout pourquoi du Sud au Nord. Je pense que la meilleure explication est l’esprit romantique. »
J’aime bien, alors je me l’octroie.

Un matin sous la tente, en t-shirt, je me surprends disant à Inti : « Ca va, il ne fait pas froid, il fait 4°C. »

Un pêcheur à Natales, le père de Lili : « Quand tu arrives à White, il ne faut pas se tromper de passage. Tu vois le rocher avec les éléphants de mer ? C’est tout de suite à droite. »

André, 69 ans, travaillant dans une estancia sur les bords du Skyring : « Ici, il y a beaucoup de richesses mais comme partout, on préfère les vendre à des multinationales plutôt qu’à ceux qui vivent là. L’histoire se répète, c’est pareil pour les Indiens d’Amérique, les Apaches, et pour les Mapuches, plus au nord, et c’est pareil pour nous aussi en Patagonie. Toujours la même histoire. »

Un pêcheur du San Joaquin : « En pêchant on gagne trois fois plus qu’en travaillant dans une estancia. Par contre dans une estancia tu as des horaires fixes, des congés et ta famille près de toi. Mais regarde ce que nous nous avons en plus – il me montre le paysage –, le plus beau bureau du monde. »

Carlitos, pêcheur : « Le boulot le plus difficile, c’est nous qui le faisons et c’est nous les moins bien payés de la chaîne. Pourtant si on n’est pas là, il n’y a plus de chaîne du tout. »

Un midi, mangeant de mauvais empanadas, sur le petit écran, un président noir américain sert la main à un président métisse vénézuélien.

Le plongeur du Jedi : « Un bon mois, c’est lorsqu’on a pu travailler 15 jours. Le reste, on attend que le mauvais temps passe. »

Martinic, propriétaire d’estancia, tapotant le baromètre : « Stable sur variable. »

Un pêcheur : « Ce qui est important, c’est la première lune. Si c’est tempête le jour d’après alors ce sera tempête jusqu’à la suivante. »

Cote, guide de kayak, me donne des indications sur la lecture du paysage, depuis la mer, au passage de l’angostura White :
« Si tu vois une grande clairière dans la forêt de la taille d’un champ, tu peux être sûr que c’est un marécage où l’humidité empêche toute végétation de croître. Ne pense même pas y planter ta tente.
Si tu vois de grands arbres morts encore sur pied, de longs troncs blancs, et rien autour, c’est que c’est un endroit où il ne doit pas y avoir beaucoup de terre sur la roche. Les arbres y meurent jeunes, seuls les plus forts résistent jusqu’à atteindre de belles hauteurs, puis ils meurent aussi car il n’y a plus assez de terre pour les soutenir, seul le tronc reste sur pied. Dans ces zones, les buissons sont si denses qu’il ne faut pas espérer trouver un endroit où y planter la tente.
En gros si tu vois une clairière dans la forêt, c’est que c’est pire qu’ailleurs. »

El Chino, plongeur, au moment de se quitter sur le Victoria II : « C’était la première et la dernière fois et c’était bien. »
Je réponds « Oui » et on se serre la main avec un grand sourire. J’apprécie cette sentence, c’est franc et dénué de ces niaiseries de camps de vacances « on s’écrira, on se reverra, sûr on s’appelle… ». J’apprécie et c’est vrai.

Gabriel, pêcheur du San Joaquin : « J’avais deux frères. Le plus grand est mort d’un cancer de la peau à cause du soleil. Celui qui me reste, c’est Marcelo, le capitaine de ce bateau. Il a eu le cancer aussi, mais il a réussi à le battre grâce à une chimio. Maintenant, quand je vais chez le médecin, je lui dis de ne rien me dire. Je préfère ne pas savoir. On fait tous comme ça ici, ne pas savoir et vivre. C’est ce foutu trou dans la couche d’ozone. »

Ale, capitaine de navire : « Si les dauphins jouent près de la côte, c’est qu’il y a du fond, on peut aller s’y amarrer. »

Un soir, à la télé, je vois le candidat à l’élection présidentielle, Piñera, en visite en France à l’Élysée. Tout sourire avec son épouse, il sert la main à Sarkozy. Le lendemain sur le même canal, il y a un reportage sur la délinquance dans les rues de Santiago avec force images choc. Il est de notoriété public la collusion entre ce politique Piñera et ce canal de télé. La leçon a été bien apprise, Berlusconi, Sarkozy, Piñera, le populisme avance, toujours avec les mêmes techniques et malheureusement, bêtement, avec le même succès semble-t-il. Style mafieux, arrogance et soif de pouvoir, les années noires s’exportent.

Bobby à Punta Arenas, nous parlant de son travail dans une usine de conditionnement de l’oursin : « Le patron est chinois ou japonais. Je ne sais pas. Je m’en moque. Tout ce que je sais, c’est que c’est mon patron et qu’il m’exploite. On est mal payé et on travaille dans des conditions vraiment dures, le froid surtout. Sa nationalité, je m’en tape, je sais juste que c’est lui mon exploiteur. »

Jose, mécano du Victoria II : « Quoi que vous en fassiez, il faut que vous regardiez bien ce que font les pêcheurs ici. Parce qu’un jour, il n’y en aura plus et c’est tout un savoir qui disparaîtra. »

Miguel à Tortel : « Je crois que ceux qui savent encore le mieux l’état du stock de bois dans la région, ce sont les bûcherons eux-mêmes parce qu’ils en vivent. »

Des pêcheurs : « ¿Quieré o no quieré ? », « ¡Truco ! »

Victor, garde parcs : « C’est vrai que pêcheur, ça rapporte si tu le compares aux autres métiers où il ne faut pas avoir fait d’étude. Mais sinon, non. »

Inti sous la pluie et dans les déferlantes qui fouettent le visage répondant à ma question, pourquoi ne met-il pas son chapeau de pluie que je lui envie : « J’essaye de me rincer les cheveux. »

A Natales, un jour où le soleil pointait son nez, je rencontre Jesus dans la rue et lui demande ce qu’il fait : « Je teste mes lunettes de soleil. »

Golfo de Peñas, radio : « Aviso de mal tiempo. Repito. Aviso de mal tiempo. Temporal. Mar grossa a muy grossa. Holas de 7 a 8 metros en mar oceanica. Viento de 35 nudos, rachas de 60 nudos. »

Rodrigo, guide de kayak et de montagne : « Un bon guide, ce n’est pas celui qui est devant, mais celui qui sait être derrière. »

Un pêcheur dans un bar : « Les Indiens savaient attendre. De manière unique. Fantastique. Ils connaissaient le Golfe comme personne. Aujourd’hui personne ne connaît le Golfe comme eux l’ont connu. Ils savaient attendre. »

Sous la pluie, en plein portage de ¿Donde está Eloisa ? :
– En rentrant à la maison, juré, je me fais immédiatement un petit voyage en Andalousie.
– J’ai prévu encore mieux, je me mets dans le RER A et je fais des allers-retours sur toute la ligne.
– Pas bête…