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Alexandre Chenet – 10 juillet 2008

Le chemin intérieur

Il y a maintenant plus d’un an, deux peut-être, lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, le lien entre Inti et moi se fit sur le fondement même de nos envies : amener des réflexions nouvelles en se plongeant dans un environnement différent de notre quotidien, de notre société, de nos préoccupations journalières. Inti ajouterait sûrement : « et voir si un environnement différent amène des réflexions différentes ».
Pour ma part j’en suis convaincu, conforté en ce domaine par mon expérience passée, tant par les voyages, les discussions, les rencontres que les lectures. Je m’étais alors dit que ce travail intellectuel, ce voyage intérieur comme beaucoup l’appelle, débuterait certainement quelques mois avant notre départ pour le Grand Sud.
Que m’étais-je trompé ! Quelques mois…
Je crois pouvoir dater à avril dernier ma première réflexion « intime », apte à modifier ma manière de penser, et donc ma personnalité, directement liée à Patagonia 2009 et aux changements qu’un tel projet crée dans ma vie, dans mon environnement.
Avril 2008 ! Environ un an avant le départ. Un an et déjà des réflexions qui hantent mon cerveau. Qui hantent, car étrangement je m’en délecte et ne cherche pas à aboutir. Je lance ces réflexions, je les triture, elles me triturent, je les malaxe, elles me concassent, je vis avec elles et suis persuadé que je les ferais mienne, que je les intégrerais à ma personnalité seulement à la fin du voyage. Elles ne sont qu’invitées, même si souvent c’est mon inconscient qui rédige le carton d’invitation, pas mon conscient. Nuits blanches…

Mais pourquoi attendre d’être en plein effort, en Patagonie, pour trouver une conclusion à ces réflexions, une solution à ces problématiques ?*
Car cela rejoint le fondement de ce qu’est pour moi Patagonia 2009. Persuadé que notre environnement agit radicalement sur notre manière de réfléchir, pourquoi chercherais-je à aboutir une réflexion alors que de profondes modifications de mon environnement sont à venir ? Le chemin est long. Alors plutôt il commencera, plus loin il s’avancera.
Mais un an avant le départ… j’avoue, je ne m’y attendais pas.
Avancer est fatigant, se remettre en question est épuisant mais tellement enrichissant, c’est pour cela que ce voyage est là. Une année à ajouter à la durée de l’expédition, une année à se fatiguer, à jouer avec la frontière de l’épuisement.
Continuant mon raisonnement, j’en arrive à me dire que certains penseront peut-être que puisque de telles réflexions, qui semblent bouleverser mon équilibre d’identité, surviennent à Paris, installé bien tranquillement dans mon salon, alors pourquoi partir si loin ? Pourquoi nous rebattre les oreilles avec ces histoires de changements d’environnement qui influenceraient supposément notre personnalité ? Et là, je vois sourire Inti. Cette question, il se la pose, ou tout au moins, il y a un an, il se la posait. Nous en avions discuté.
Renforcement de ma certitude. Accentuation de mon envie de départ. Accélération de cette expérience qu’est Patagonia 2009.
En me lançant dans ce projet, il y eut changement fondamental et progressif de mon environnement. Bouleversement, même si, il est vrai, ce projet n’est pas apparu par miracle. Il est le prolongement, la continuité d’une démarche, d’une envie, d’une volonté que les psychanalystes remonteraient sûrement à ma plus tendre enfance, mais que, pour ma part, je me garderais bien de dater ou d’expliciter un peu trop précisément. Une continuité qui se cristallise, pour un temps, autour de cette expédition. Et cette cristallisation rend lisible, tangible, remarquable, la modification de mon environnement. Si tous nos univers évoluent avec nous, on ne le perçoit pas pour autant, par facilité souvent, on ne s’y attarde pas. Et là, du jour au lendemain, j’annonce, et je m’annonce, que Patagonia 2009 est là. « Le long des glaces du bout du monde »… Un programme défini, un but avoué et donc un futur annoncé. Mon environnement, particulièrement humain, s’est d’ors et déjà radicalement modifié. Tous les projets de vie tourne autour de cela, la plupart des préoccupations ont trait à cette expédition. Bien au-delà de moi, aux yeux de mon entourage, JE SUIS devenu ce projet. À tort ou à raison… Comportements quotidiens, discussions, construction de projets, vue d’avenir, positionnements intellectuels, interactions, et même envie de partage, ouverture sont profondément modifiés et en évolution constante.
Les réflexions nouvelles, dont je vous parle, sont directement liées à ces changements environnementaux qui me concernent. Ils ne sont aujourd’hui, quasi exclusivement, qu’humains, alors qu’en sera-t-il quand nous y ajouterons les changements physiques et naturels ? Bouleversement. Certainement.

Et alors ? Où en sommes nous ? Des lignes et des lignes d’écriture et toujours pas la moindre piste de ce que peuvent être ces fameux questionnements à même de modifier l’identité d’une personne, sa personnalité. Moi en l’occurrence. Certes. Mais là n’est pas le sujet de ce texte. Avoir la certitude, en tout cas si vous me croyez, que s’embarquer dans une telle aventure amène des réflexions de ce type, n’est-ce pas en soit déjà un but exceptionnel ? Cela ne peut-il être une ligne directrice de vie ? Une raison suffisante pour s’y jeter ? À mon sens oui.
Et l’explication de ces questionnements, le compte-rendu de leurs évolutions viendront en temps voulu.

Alexandre.

*J’y reviendrais certainement plus tard tellement la question me semble importante, mais ne vous y trompez pas, je ne vais pas chercher des réponses ou des solutions dans cette aventure. L’idée de s’écarter de la société pour trouver des réponses qui lui sont adaptées me semblent très incertaine.