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Jeu du ganso

une note d’Alexandre

Voyager est l’assurance de découvrir des choses qu’on ne s’attendait pas à découvrir.
À Punta Arenas par exemple, nous avons pu prendre part à un jeu de société que nous ne connaissions pas.
Qui eut cru qu’en venant ici nous ferions cette découverte ? Certainement pas nous.
Ce jeu est proche de celui que nous connaissons sous le nom de Jeu de l’oie, mais elle est ici patagonne.
Le Jeu du ganso, ainsi se nomme-t-il, est quelque peu plus complexe que son homologue à béret et baguette. Les règles pourraient paraître, au néophyte, quelque peu déstructurées, mais l’erreur serait de ne s’en tenir qu’à cet avis néophyte. Le Jeu du ganso, par-delà sa nébuleuse première approche, se révèle finement ciselé, requérant pour les joueurs, mais plus encore pour le pion, une ténacité à toute épreuve.
Révélons l’aspect le plus complexe du jeu : les personnalités des joueurs, voire celle du pion, peuvent en déconcerter plus d’un. Il faut, pour apprécier tout le sel du jeu, passer outre cette déstabilisante particularité.
Mais il est plus que temps de vous présenter les règles du jeu. Nous ferons suivre cette présentation d’un bref compte-rendu d’une partie. Ainsi seulement le jeu vous sera révélé dans toute son étendue.

Le Jeu du ganso

Les éléments :
Le jeu du ganso se joue de 1 à 5 joueurs (plus est éreintant).
Le jeu ne dispose que d’un pion appelé "Inti et Alexandre".
Le jeu se déroule sur un plateau où un circuit de cases est représenté. Ce circuit est une boucle dont le nombre de cases est inconnu. Le plateau représente Punta Arenas, ses 130 000 habitants répartis sur 17 km2, étiré du Nord au Sud le long du détroit de Magellan.

Les règles :
1- Les joueurs font avancer le pion en jouant au dé le nombre de cases. Hasard, chance et, parfois, "coup de main intelligent de la part du pion", sont donc de la partie.
2- La motivation propre du pion peut être un handicap ou un bonus.
3- Le pion réagit en fonction des particularités des cases sur lesquelles les joueurs le déposent.
4- Les joueurs lancent le dé quand ils le veulent, sans se soucier d’un ordre de jeu quelconque.
5- Le jeu peut sortir du plateau.
6- Le pion "Inti et Alexandre" peut se séparer en deux durant autant de cases qu’il le souhaite sans lien avec les cases sur lesquelles il se trouve ni lien avec la décision d’un joueur. Parfois il peut avoir du mal à se retrouver.
7- Le jeu peut durer des jours, des semaines, mais, on ne le souhaite pas, pas des mois.
8- Le jeu s’arrête lorsque tous les joueurs ont atteint une case "le joueur peut sortir du jeu" ou que le pion déclare "abandon" (cas rare).

Le but :
Le gagnant est le joueur qui a le plus grand nombre de point au moment d’atteindre une case "le joueur peut sortir du jeu".
Les points se calculent en additionnant les chiffres du dé à chaque lancé du joueur et les points marqués sur la case (donnés en fonction de la complexité de l’action de la case), le score ainsi obtenu doit être alors multiplié par le nombre de cases différentes sur lesquelles le joueur a mené le pion.

Partie du samedi 18 avril, compte-rendu.

2 joueurs prennent part au jeu : Pain noir et Fusée de détresse.
Fusée de détresse était déjà présent dans le jeu les jours précédents. Sur une case "armada" le nom Servinault lui a été soufflé.
La partie débute au matin.

Fusée de détresse lance le dé. Le pion "Inti et Alexandre" est déposé sur une case "taxi" qui lui donne le droit de sauter 3 cases vers le nord.
Pain noir entre en jeu et obtient la case "coup de bol", le taxi a une amie allemande qui a du pain de ce type.
Fusée de détresse lance, encore "taxi" mais cette fois option "4x4", le pion saute 5 cases toujours vers le nord, et dans l’élan il garde la main. Case "nez cassé", le magasin est fermé pour le week-end, il doit lâcher le dé.
Pain noir s’en empare, le 3 sort, il mène le pion vers le sud sur "coup double" et se déplace donc à nouveau de 3 cases dans la même direction. "Inti et Alexandre" se retrouve sur "fleuriste et jardin d’enfants". Chance, c’est la profession de l’amie allemande. Par sympathie pour les enfants, Pain noir a le droit de pousser le pion sur une case "coup de bol", le pain noir est là.
La réussite étant du côté du joueur, il enchaîne, un coup de dé projette le pion sur une case "sortie de plateau". Il a le droit d’appeler Puerto Natales, à 250 km du plateau de jeu : une boulangère de tradition allemande peut procurer le pain recherché.
Pain noir, fort de son insolent succès, relance et le pion atterrit sur une vacherie, "le joueur sort du jeu si aucun autre joueur du même nom n’y parvient avant le joueur nommé kayaks".

Fusée de détresse en profite pour revenir dans la partie qu’il avait quelque peu délaissée.
Un jet de dé l’amène sur "pause déjeuner" qui lui donne accès à une case "information", un magasin de pièces détachées automobiles, au nord, aurait une information. Mais le prix à payer pour cette information est une case "mal de ventre", ce qui va handicaper le moral du pion.
Plusieurs coups de dé sont nécessaires à Fusée de détresse pour trouver cette case "automobile". Une fois l’avoir atteint, le pion a le droit d’aller directement sur une autre case : "magasin de fusées de détresse". Incroyable le joueur sent qu’il va pouvoir sortir du jeu.
Mais le score sur lequel il sortirait alors ne semble pas lui convenir. Par ruse, il abat une carte "stock vide", qu’il avait gagnée à la case "pause déjeuner" sans en informer le pion.
Pour s’excuser de sa vacherie, il garde le dé et le sort envoie "Inti et Alexandre" de nouveau sur "information". Il semblerait qu’une case "équipement de montagne" puisse l’aider à sortir du jeu avec un joli score.
Après quelques coups effectués pour rien, le pion débarque sur ladite case. Victoire ! Fusée de détresse peut sortir du - Ah non désolé, "stock disponible sur seulement une des références recherchées" mais avec option "recharge du stock possible si autorisation gendarmerie".
À ce point, le jeu se complique, car cette case est une case dite "administration", beaucoup de points gagnés pour le joueur, mais à l’heure où nous en sommes arrivés, le jeu ne pourra se poursuivre que le lendemain, à l’ouverture des bureaux.

Fusée de détresse est donc en train de réaliser un score remarquable tandis que Pain noir, en très peu de temps, peut s’enorgueillir d’un score honorable. Il est mérité par son enchaînement "amie allemande", "fleuriste et jardin d’enfants" et "sortie de plateau = Puerto Natales". Il reste toutefois en lice car sa "sortie de jeu" n’est pas franche.

C’était le compte-rendu de la partie du 18 avril.

Les jours précédents et suivants, un grand nombre de joueurs entrent et sortent du jeu dans le désordre. Pain noir reviendra, Fusée de détresse aussi et le particularisme de nombreuses nouvelles cases sera dévoilé. Une case "Antarctique" fera même son apparition.
Mais, alors que nous sommes encore à Punta Arenas et que la partie est loin d’être finie, on peut d’ores et déjà annoncer que le joueur "kayaks" devrait emporter le meilleur score. Et quel score ! mais ce sera le sujet d’un autre compte-rendu, si nous le voulons bien, il est maintenant l’heure de se préparer pour la partie de demain.

La morale du jour sera : si vous cherchez du pain noir, allez chez un fleuriste ou un jardin d’enfants et pour les fusées marines, partez en montagne.

Illustration de ce carnet extraite du manuel nautique Patagonia & Tierra del Fuego de Mariolina Rolfo et Giorgio Ardrizzi.