français   deutsch   english
Accueil du site > Dossiers > Contexte climatique et météorologique en Patagonie occidentale

Inti Salas Rossenbach

Contexte climatique et météorologique en Patagonie occidentale

Cet article a pour objet de présenter les conditions climatiques et météorologiques que nous pourrons rencontrer au cours de notre périple en Patagonie, la façon de nous y adapter et les observations que nous pourrons faire sur place. Ce qui nous intéresse, ce sont les conditions maritimes et côtières ; je n’évoquerai donc pas ici le contexte continental ou de montagne que l’on trouve dans ce sud de l’Amérique. Enfin, si bien je me suis documenté et ai essayé de comprendre et de restituer au mieux les phénomènes que je décris, je ne suis spécialiste ni en météorologie, ni en médecine ; j’apprécierai donc grandement toute suggestion, tout questionnement visant à affiner les descriptions, toute proposition de correction.

 

Sommaire

Contexte général

Contexte météorologique dans la région Magallanes

 Températures atmosphériques dans la région de Magallanes

 Vents dans la région de Magallanes

 Etat de la mer dans la région de Magallanes

 Précipitations

Contexte météorologique dans la région Aysén

 Contexte général dans la région Aysén

 Températures atmosphériques dans la région Aysén

 Vents dans la région Aysén

 Etat de la mer dans la région Aysén

 Précipitations dans la région Aysén

Adaptation au contexte climatique

Observations météorologiques

 Observation de la mer

 Nous situer par rapport à une dépression

 Voir les signes avant-coureurs d’un williwaw

Sources

 

Contexte général

Notre voyage traversera presque entièrement deux régions chiliennes : la région de "Magallanes y de la antartica chilena" (XIIe) puis, plus au nord, la région de "Aysén" (XIe).

La région de "Magallanes" (XII) s’étend du Cap Horn jusqu’à environ 48°4 de latitude sud, celle de "Aysén" (XI) de 48°4 à 43°4 de latitude sud.

Le point de départ de notre périple en kayak ne sera pas situé au delà de 53° de latitude sud. Ensuite, nous remonterons vers le nord. En comparaison, Dublin est à 53°20’ de latitude nord, Paris à 48°52’. C’est-à-dire que nous ne serons pas très bas en latitude. Mais les conditions climatiques et météorologiques ne dépendent pas que de la latitude.

Ainsi, si nous ne bénéficierons pas du Gulf Stream qui rend les saisons si clémentes en Europe de l’ouest, le climat est tout de même océanique dans toute la Patagonie des canaux.

Le courant froid de Humboldt qui remonte les côtes occidentales de l’Amérique du sud induit un faible différentiel thermique entre les températures de la mer et celles de l’air sur le littoral.

Citons les radiations d’UV-B, nocives, qui du fait du trou dans la couche d’ozone au dessus du pôle sud sont parfois élevées, particulièrement en été (6). Il faudra donc nous couvrir.

Signalons également que les déclinaisons magnétiques, c’est-à-dire la différence en degrés d’arc entre le nord géographique et le nord magnétique (données indiquées sur les cartes marines), sont bien plus importantes qu’en Europe : de plus de 14° à 10° du début à la fin de notre parcours (sur les cotes de France, on soustrait environ 5° sur les relevés au compas).

 

Région de Magallanes (XII)

 

Contexte général

Cette région est constamment soumise à des vents dominants d’ouest. Les dépressions circulent sur le Pacifique d’ouest en est, alimentées par la zone dépressionnaire des 60e sud et ne rencontrent aucun obstacle avant la Patagonie. En observant leur évolution en temps réel (1), une estimation de premier ordre indique qu’il en arrive à peu près une toutes les 72 heures.

Elles passent sous l’anticyclone de l’Ile de Pâques (un lointain cousin de celui des Açores : une petite description de la famille sur le site de Météo France).

En observant les isobares sur le Pacifique (2) on remarque que cet anticyclone a tendance à remonter un peu en hiver austral (de l’ordre de 5 degrés de latitude). Dans l’hémisphère sud, la force de Coriolis fait tourner les dépressions dans le sens des aiguilles d’une montre. Le résultat est que les vents seront plus souvent de nord-ouest que de sud-ouest. Cependant, comme les dépressions devraient être un peu plus nord en hiver, nous devrions avoir pendant cette saison un peu moins de vents de secteur nord et un peu plus de calmes.

 

Températures atmosphériques dans la région de Magallanes

Les températures moyennes de l’air, sur cent ans et au niveau de la mer, sont à peu près les suivantes :

décembre 9 janvier 9 février 10 mars 10 avril 8 mai 7
juin 6 juillet 5 aout 5 septembre 5 octobre 6 novembre 7

Source : données extraites des « Pilot charts » (2)

D’autres sources (3) donnent une température moyenne de 9° pour la région, avec des oscillations annuelles de 4°.

Sur le continent, elles baissent bien sûr beaucoup dès que l’on s’élève en altitude ou que l’on s’éloigne de l’océan ; mais il n’y a guère de raisons que nous nous y aventurions.

A Puerto Edén par exemple la température moyenne est de 7,2 ºC, avec seulement 3 mois au dessus de 10ºC. Le jour le plus chaud est à 11ºC en moyenne, tandis que le plus froid est à 2,8ºC, ce qui donne une amplitude thermique d’environ 8ºC.

On voit donc que le climat est océanique, guère froid dans l’absolu bien qu’il puisse y avoir des pics de froidure. Les conditions de vent et d’humidité devraient cependant nettement abaisser la température ressentie.

Notons que 2 ou 3 nuits à -10°C peuvent suffire à geler le fond d’un fjord, d’autant plus que la mer est calme et que la salinité est faible (et peut-être est-ce le cas dans certains fjords abondamment alimentés en eau douce – ruissellements, glaciers). Mais si nous croiserons des icebergs, ils seront des brebis égarées des gigantesques glaciers qui recouvrent le continent, et non issus de la fonte d’une banquise qui, sous ces latitudes, ne prend pas.

 

Vents dans la région de Magallanes

Les vents dominants sont d’ouest, d’où viennent donc les dépressions.

Mais entre 30% à 40% du temps (sur toute l’année), ils sont de secteur nord (nord, nord-ouest, nord-est plus rarement) (2). Les canaux que nous emprunterons étant globalement orientés nord-sud, et les côtes s’élevant rapidement en altitude, je suppose que les vents s’orienteront dans le sens des canaux.

Il semble également qu’ils soient un peu moins intenses en hiver, avec une recrudescence des vents de secteur sud. C’est la raison pour laquelle nous partirons en hiver austral.

Notons la présence de williwaws, imprévisibles et brefs vents catabatiques (4) (le Mistral en est aussi un) : ce sont des masses d’air froides qui dévalent les montagnes par gravité et peuvent être particulièrement violentes lorsqu’elles finissent par arriver au fond de vallées encaissées comme les « caletas » ou dans les canaux (qui, j’imagine, augmentent encore la vitesse du vent par effet Venturi). Ils surviennent brusquement, sont imprévisibles parce que très locaux et déclenchés par de multiples facteurs, loin de la mer. Ils peuvent dépasser les 50 noeuds (dépasser les 100 Km/h). Je n’ai jamais navigué en Patagonie, mais sans doute sont-ils le danger qui pousse les marins à s’assurer au rivage lorsqu’ils sont au mouillage.

 

Etat de la mer dans la région de Magallanes

Les températures moyennes de la mer y sont les suivantes :

décembre 8 janvier 10 février 10 mars 10 avril 8 mai 7
juin 6 juillet 6 aout 6 septembre 6 octobre 7 novembre 8

Source : données extraites des « Pilot charts » (2)

On voit que la température de l’eau est sensiblement la même que celle de l’air, un degré Celcius plus chaude en hiver.

La force du vent est au minimum de 4 sur l’échelle Beaufort pendant les 30% à 40% du temps (sur toute l’année) où il est orienté secteur nord, entre 3 et 4 pour les vents de secteur sud (2). Je suppose cependant qu’une proportion de ces relevés a été faite au large, à l’ouest des canaux. Dans les canaux, l’état de la mer - qui est en général directement corrélé à l’intensité des vents - devrait être plus calme qu’au large. Essentiellement parce que la houle du Pacifique ne devrait pas y pénétrer et que les reliefs doivent quelque peu émousser les vents ; par ailleurs, la plupart de ces canaux étant comme des vallées de montagne que l’océan aurait noyées, les profondeurs y sont relativement importantes ; c’est-à-dire qu’il ne devrait pas y avoir beaucoup de vagues de hauts-fonds. Ajoutons enfin que l’étroitesse de la plupart des chenaux ne devrait pas laisser de place au clapot de beaucoup se développer.

En moyenne, il y a environ 4 jours de calmes par mois, avec un maximum de 7 jours en mai.

Les observations sur cent ans relèvent toujours plus de dix jours par mois, quel que soit le mois, où l’on trouve des conditions supérieures à 8 Beaufort (2). Mais là encore, la situation devrait être plus tranquille dans les canaux.

L’amplitude des marées n’est pas négligeable (dans le détroit de Magellan, on peut rencontrer des amplitudes comparables à celles observées dans la baie du Mont Saint-Michel : jusqu’à 8 mètres par fort coefficient). Les courants de marée nous poseront donc certainement des problèmes à certains goulets d’étranglement, comme les embouchures de fjords profonds ou certains passages du canal Messier.

Mon frère qui a été là-bas plusieurs fois m’a confirmé que la mer était rarement très grosse dans les canaux. Il m’a cependant aussi parlé de phénomènes de remplissage et de vidage de fjords qui décalent les horaires des courants de marée par rapport aux horaires prévus.

 

Précipitations

Chargées d’humidité au dessus du Pacifique, les dépressions viennent se heurter aux masses d’air globalement plus froides du continent. Résultat : des taux de pluviométrie record (le maximum relevé est de 9000 mm / an sur l’île de Guarello) et une couverture nuageuse basse et omniprésente.

Au sud de la région de Magallanes, les précipitations en hiver se font presque systématiquement neige, et des légers maximums se distinguent en avril-mai puis en novembre-janvier.

Dans le nord de la région, les précipitations sont continues toute l’année, avec un maximum en hiver (mais on constate depuis quelques années un déplacement des maximums vers l’automne, mars, avril).

 

Région de Aysén (XI)

 

Contexte général dans la région Aysén

Le contexte est globalement le même que celui de la région de Magallanes, plus au sud. Les effets de la remontée de l’anticyclone de l’Ile de Pâques en hiver devraient s’atténuer à mesure que nous remonterons au nord : parce que nous sortirons de l’hiver dans la région de Aysén, mais aussi parce que nous gagnerons chaque jour en latitude nord.

 

Températures atmosphériques dans la région Aysén

Les températures moyennes sur cent ans au niveau de la mer sont à peu près les suivantes :

décembre 11 janvier 11 février 12 mars 12 avril 10 mai 9
juin 8 juillet 7 aout 7 septembre 7 octobre 8 novembre 9

Source : données extraites des « Pilot charts » (2).

On remarque que les températures, puisque l’on monte en latitude, sont un peu plus élevées que dans la région de Magallanes.

L’influence est toujours océanique, les températures descendent donc rarement en dessous de 4°. Les amplitudes thermiques annuelles sont faibles, inférieures à 10°, tandis que l’amplitude dans une journée varie de 5° à 7° au cours de l’année.

 

Vents dans la région Aysén

Les vents dominants sont d’ouest, nord-ouest, souvent violents de nord, surtout en hiver.

Ils sont de 50% à 70% du temps de secteur nord (sur toute l’année ; cela semble être l’effet principal de l’atténuation de la remontée de l’anticyclone de l’Ile de Pâques). Les vents de secteur sud se rencontrent plus de 35% du temps en juillet, septembre et octobre, et plus de 30% en février, mars et avril (2).

Puisque nous continuerons à longer des montagnes, il devrait encore y avoir des possibilités de williwaws. Peut-être moins qu’au sud, les sommets élevés étant sur le continent, plus à l’est.

Une région, celle du Golfo de Penas (5), constitue en principe une zone météorologique particulière. Ce Golfe est en effet complètement ouvert sur le Pacifique, les vents s’y déployant doivent donc être directement issus des dépressions, sans être assagis par les reliefs encadrant les canaux.

 

Etat de la mer dans la région Aysén

Les températures moyennes de la mer y sont les suivantes :

décembre 10 janvier 12 février 12 mars 12 avril 10 mai 9
juin 8 juillet 8 aout 8 septembre 8 octobre 9 novembre 10

Source : données extraites des « Pilot charts » (2).

Ici encore on remarque que la température de l’eau est sensiblement la même que celle de l’air.

L’intensité des vents de secteur nord est, tous les mois de l’année, de 3 à 4 Beaufort, tandis que les vents de secteur sud sont de 2 à 3 Beaufort.

Des calmes ont été observés pendant environ 10% du temps, avec un pic à plus de 25% en mars (2).

On observe de 8 à 10 jours par mois avec plus de 8 Beaufort, avec des maximums de plus de 15 jours en juin et septembre. Si là encore dans les canaux il devrait y avoir moins de baston, soulignons encore la particularité du Golfo des Penas (Golfe des Peines). L’endroit est réputé pour sa fureur. Les indiens, lorsqu’ils devaient le franchir, portaient par l’isthme de Ofqui plutôt que de risquer de le doubler par le nord-ouest. C’est d’ailleurs eux qui guidèrent John Byron en 1742 à travers ce passage, après que ce dernier eut tenté à plusieurs reprises avec ses compagnons d’en sortir par la voie des mers, manquant y laisser leur peau. Nous suivrons bien sûr l’exemple des indiens.

 

Précipitations dans la région Aysén

Les pluies sont également homogènes tout au long de l’année (elles peuvent atteindre 4000 mm / an), avec un maximum de mai à août (mois qui regroupent 45% des précipitations de l’année).

L’humidité est en moyenne de 87% sur l’année, sans aucun mois à moins de 80% (3).

 

Adaptation au contexte climatique (7)

Comme nous l’avons vu, la Patagonie des canaux ne connaît pas des froids extrêmes comme ceux que l’on peut rencontrer en haute montagne, dans les steppes continentales en hiver ou aux pôles. Nous serons cependant en kayak, embarcation relativement précaire. A partir d’une eau à 5°C, il faut tout considérer du point de vue de la survie.

L’homme est un animal endotherme homéotherme : il doit maintenir sa température proche de 37°C. A température égale, le refroidissement est 20 à 30 fois plus rapide dans l’eau que dans l’air sec. Cela est dû à la conductivité thermique de l’eau, très supérieure à celle de l’air.

Si l’on se trouve dans une eau à 5°C, nu, la mort peut survenir en 30 minutes. Mais habillé et sans bouger, le délai peut passer à une heure. Par comparaison, dans une eau à 15° ces délais passent respectivement à une et cinq heures.

Il se trouve qu’en bougeant on dépense des calories qui se dilapident d’autant plus vite que l’exercice provoque une vasodilatation périphérique (augmentation du diamètre des vaisseaux sanguins).

Les humains qui vivent dans le froid (par rapport aux climats tempérés) le supportent mieux : ils sont acclimatés. Il est donc possible, avant de partir en des régions froides, d’entraîner son corps à subir le froid. C’est possible, et donc souhaitable pour se préparer aux températures usuelles que nous connaîtrons, comme à d’éventuels incidents.

Le corps peut mettre en œuvre, en une série de réflexes archaïques (comme le fascinant « Mammalian diving reflex » concernant l’immersion dans l’eau froide (8)), des mécanismes qui permettent d’abaisser progressivement la température corporelle en préservant au maximum et le plus longtemps possible les organes vitaux (reins, cœur, et surtout cerveau). S’ils ne se déclenchent pas, par exemple parce que l’on se débat dans l’eau froide, les déperditions vont être beaucoup plus rapides. Il s’agit donc par l’entraînement d’habituer le corps à frissonner plus tardivement (le frisson est un moyen de thermogenèse, de créer de la chaleur), et d’améliorer les facultés de vasodilatation et de vasoconstriction pour que le corps gère ces situations limites de façon optimum (Jean-Louis Etienne a montré en 1986 que suite à une exposition à un froid polaire de 63 jours sa phase de lutte contre le froid ne commençait plus à 37° mais à moins de 35°).

La plasticité vasculaire que j’ai évoquée est aussi améliorée par la pratique d’exercices d’endurance.

L’aspect psychologique est bien sur aussi essentiel : habitué à être exposé au froid, le stress sera réduit, et les réactions physiologiques consommatrices en chaleur qu’il provoque (comme l’augmentation du rythme cardiaque) d’autant réduites.

En ce qui me concerne, je suis donc au régime douche froide depuis plusieurs mois.

Nous pagaierons par ailleurs en combinaison de survie « sèche », ce qui augmente considérablement les temps de survie en eau froide : plus de deux heures et demie dans une eau à 5°C (9).

Ajoutons enfin que, comme nous l’avons vu, cette région est particulièrement humide. Nous serons donc probablement soumis aux divers maux dus à un état d’humidité constante de la peau (boutons, irritation, macération...) mais le sujet reste pour moi assez obscur.

 

Observations météorologiques

Nous bénéficierons au cours de notre périple des bulletins de météo marine diffusés localement par radio (mais mon frère m’a prévenu qu’ils ne lui avaient pas semblés très pertinents... annonçant toujours la même chose ; souhaitons que c’aient été les rations de Pisco qui lui obscurcissaient l’esprit). En sus, nous pourrons en cas de besoin impérieux contacter Yann Rochas pour qu’il nous prodigue ses conseils au vu des évolutions météorologiques prévisibles à terre.

Il nous sera cependant très utile de pouvoir nous livrer à des prévisions sur la base de nos propres observations.

Mais il n’est pas certain que la monotonie des trains de dépressions que nous avons souligné précédemment rende nos prévisions artisanales plus fiables qu’en Bretagne par exemple, région plus éclectique du point de vue météorologique (les anticyclones se déplacent plus, les parcours des dépressions sont plus erratiques). Les changements de temps semblent en effet très rapides et très locaux (en Patagonie il est fréquent de rencontrer successivement des calmes, des rafales, de la pluie, des grains, de la neige et des brises variées dans une même journée), ce qui doit pouvoir induire en erreur quant à l’estimation des tendances sur 24 ou 48 heures.

 

Observation de la mer

J’ai quelque habitude de l’observation de la mer, et les sorties en kayak que nous avons faites m’ont donné des références (rapport entre l’état observé de la mer et la manœuvrabilité du kayak). Je dois cependant nettement pondérer cette assurance : je ne connais pas la mer de là-bas ; je ne sais pas encore comment réagiront nos kayaks une fois chargés.

Une autre question me tracasse : sur l’immense majorité des photographies où l’on voit la mer dans les canaux patagons, elle est très calme (même en tenant compte du piètre rendu d’une mer agitée sur une photo). Trois possibilités : soit mes hypothèses citées plus haut sont vraies au delà de mes attentes (la mer est presque toujours calme dans les canaux – exception faite des grands canaux comme le Détroit de Magellan) ; soit les photographes ne veulent pas mouiller leurs appareils et ne prennent donc jamais le mauvais temps en photo ; soit les deux explications précédentes confondues.

 

Nous situer par rapport à une dépression

Supposons que le vent se lève peu avant que nous ayons à nous lancer dans une longue traversée. En observant les vents d’altitude, qui poussent les nuages d’altitude comme les cirrus (si l’omniprésente couverture nuageuse nous en laisse l’occasion), nous aurons la direction de déplacement de la dépression qui génère le vent qui se lève. Il y a fort à parier que ce sera invariablement d’ouest, peut-être ouest-nord-ouest. Ensuite, selon la direction du vent local (c’est-à-dire celui qui pousse les nuages les plus bas), nous pourrons avoir une idée de l’état d’avancement de la dépression, et donc une idée des probabilités de calmes à venir.

Puisque les dépressions tournent dans le sens des aiguilles d’une montre, si les vents locaux viennent de la droite en étant face aux vents d’altitude, le pire sera à venir parce que la dépression commencera à peine.

Si les vents viennent de la gauche, il y aura des chances que nous en serons à la fin de la dépression, et que des calmes pourront survenir avant la dépression suivante.

Enfin, si le vent local est dans le même axe que les vents d’altitude, la dépression sera en train de passer sur nous.

C’est une application de la loi de Buys-Ballot : la direction du vent en atmosphère libre s’aligne sur la tangente aux isobares. Ou, dit autrement : en se mettant face au vent, les basses pressions sont à gauche, les hautes pressions à droite (dans l’hémisphère sud).

 

Voir les signes avant-coureurs d’un williwaw

La lecture des « Nomades de la mer », de José Emperaire, m’a convaincu que les williwaws représentent le principal danger pour les petites embarcations dans les canaux de Patagonie : ces soudaines rafales faisaient souvent chavirer les canots d’écorce des indiens Kaweshkar.

Christian Clot dans « Ultima cordillera » décrit ainsi la survenue d’un williwaw en voilier : « [...] La mer change de couleur. Le bleu presque noir de l’eau est envahi par une blanche écume qui fonce sur nous. [...] Une gifle monumentale frappe le bateau, le couchant comme une brindille. Nous nous accrochons comme nous pouvons aux drisses et aux barres qui nous entourent. Il faut affaler au plus vite, sous peine de voir la voile se déchirer. Ou pire. [...] Moins de dix minutes plus tard, le williwaw a disparu, et une petite brise lui succède ». Difficile à prévoir, donc.

Quant à l’effet sur un kayak, je n’ai pas la moindre idée de ce que cela peut donner. Disons que la procédure d’urgence dans ce cas sera, dans la mesure ou la proximité des côtes nous le permet, de mettre les deux kayaks à couple de façon à former un radeau.

 

Sources

(1) http://www.grib.us/, logiciel permettant d’observer l’historique et les prévisions météo en mer en interprétant les fichiers GRIB (http://en.wikipedia.org/wiki/GRIB)

(2) Données météo moyennes relevées depuis plus de cent ans par des navires croisant dans ces régions - Pilot Charts - Pub. 107 - South Pacific Ocean, http://www.nga.mil/portal/site/maritime/
Bien que ces relevés de températures soient probablement moins précis que les relevés en station, je les ai pris en compte simplement parce qu’il y a peu de stations météorologiques proches de l’itinéraire qui nous intéresse (il doit y en avoir à Puerto Edén, Mine de Guarello, Puerto Natales, Punta Arenas, Puerto Williams, mais pas beaucoup ailleurs...).
Enfin, remarquons que les données que j’ai extraites de ces Pilot Charts sont naturellement soumises à une certaine incertitude de mes relevés.

(3) Dirección Meteorológica de Chile, http://www.meteochile.cl/climas/climas.html

(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Vent_catabatique et la description qui en est faite dans le « Patagonia & Tierra del Fuego Nautical Guide » de Mariolina Rolfo et Giorgio Ardrizzi.

(5) http://es.wikipedia.org/wiki/Golfo_de_Penas

(6) http://www.sinia.cl/1292/article-26200.html et http://www.rfi.fr/actufr/articles/026/article_23715.asp

(7) La majorité des informations de cette partie sont extraites du livre de X. Maniguet, « Survivre ».

(8) http://en.wikipedia.org/wiki/Mammalian_diving_reflex

(9) « Encyclopédie de sécurité et de santé au travail », de Jeanne Mager Stellman, Chantal Dufresne