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La Patagonie rebelle

Osvaldo Bayer

une note d’Inti

Je ne pouvais pas quitter Punta Arenas sans ajouter à notre bibliographie une courte note sur l’ouvrage majeur concernant l’un des pires épisodes qu’ait connu la Patagonie contemporaine : « La Patagonie Rebelle », de Osvaldo Bayer. Ouvrage historique d’une grande rigueur, il décrit en détail et en citant tous les témoins oculaires des faits, comment est née et a été réprimée la seconde grève des peones, employés saisonniers des estancias d’élevage argentins en 1921-1922. Ces hommes, des chiliens pour la plupart, se sont soulevés contre leur conditions de travail qui les confinaient au statut de quasi-esclaves. Ils se sont aussi soulevés pour des idéaux de transformation sociale, de solidarité et des utopies dont je pense qu’ils nous font cruellement défaut de nos jours.

Lors de leur seconde grève l’armée intervint et fusilla des centaines d’hommes. Le procédé était presque partout et toujours le même : lorsque le 10e Régiment de cavalerie, commandé par le lieutenant-colonel Varela arrivait au contact d’un groupe de gauchos en grève, ceux-ci, voulant éviter le conflit avec l’armée, acceptaient soit de parlementer, soit de se rendre. Alors les militaires, fourbes et traitres a leur parole, fusillaient sans autre forme de procès les chefs présumés venus en délégation. L’Argentine venait pourtant d’abolir la peine de mort. Puis venaient les propriétaires d’estancias (dont seule une poignée s’opposa a cette sauvage façon d’en finir avec la sédition) qui désignaient les « bons » ouvriers. Ceux qui n’étaient réclamés par personne étaient également fusillés puis a peine enterrés et laissés aux tatous et aux charognards. Varela finira par payer ses vilénies, exécuté en 1923 par Kurt Gustav Wilkens.

C’est l’histoire indigne d’une répression contre la dignité. C’est l’histoire d’hommes travailleurs, fiers et généreux comme Facon Grande et ses centaines de frères anonymes, humiliés et traités comme des chiens avant d’être passés par les armes. C’est l’histoire que j’ai déjà évoquée d’Antonio Soto, le secrétaire de la Fédération Ouvrière de Rio Gallegos. C’est la leçon de ces prostituées d’un bordel patagon qui se refusèrent aux militaires de Varela qu’elles traitèrent d’assassins. C’est l’histoire poignante de cet anarchiste Allemand qui, après quatre ans de guerre dans les tranchées en Europe était venu tenter sa chance dans la pampa et qui, au moment d’être fusillé lança a un gérant d’estancia également Allemand : « Grusse an die alte Heimat ! » (« Embrasse la vieille terre natale »).

Souvenons-nous de ces hommes et de ce qu’ils ont fait, et faisons-leur honneur.

La Patagonie rebelle, 1921 – 1922, Chronique d’une révolte des ouvriers agricoles en Argentine, Osvaldo Bayer, Atelier de création libertaire, 1996, 300 p.