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Austères australes

Luc-Henri Fage (photos) et Georges Marbach (texte)

En 2000, la fédération française de spéléologie lance l’expédition « Ultima Patagonia 2000 ». Il s’agit de découvrir l’île de Madre de Dios où une importante zone de calcaire de près de 150 km2 annonce des gouffres labyrinthiques encore inexplorés.

Bien sûr, Madre de Dios évoque en premier lieu la petite île de Guarello qui la jouxte.
Guarello, c’est la carrière d’où est extrait le calcaire qui va permettre, très loin au nord du Chili, à plusieurs milliers de kilomètres de là, de fabriquer du ciment et de la fonte. Ce calcaire qui est absent partout ailleurs sur le territoire est une manne que les entreprises ne pouvaient laisser passer.
Mais Guarello n’est qu’une carrière. Petite, peuplée uniquement de travailleurs venus là attirés par le salaire, 4 mois d’affilée, sans congés, dans le bruit des explosions et la trépidation des foreuses, elle n’est qu’un aparté dans cet amas d’îles alors inexploré. On ne peut donc réduire Madre de Dios à sa petite sœur Guarello.
Madre de Dios et Guarello semblent avoir également été une zone de rencontre pour différentes populations indiennes (cf. les découvertes spéléologiques et l’étude de José Emperaire : Les Nomades de la mer), ce qui ferait d’elles un site privilégié pour la découverte et la compréhension de ces peuples.
Madre de Dios donc, un site qui garde encore tout son mystère à l’arrivée de la petite troupe de scientifiques de différentes disciplines, spéléologues et preneurs d’images.

Deux ans de préparation pour cette expédition permirent le regroupement et l’évolution de savoirs importants. Mais Georges Marbach décide, pour ce livre, de se concentrer sur le lieu et les impressions qu’il dégage. Il décrypte ses sentiments lorsque, sur le chemin le menant vers ce calcaire, il a la sensation de s’enfoncer vers un monde vierge, un monde inconnu, loin de tout. Il décrit la rencontre avec cette nature étonnante, extravagante.
Sans hyperbole, sans récital ou ode grandiloquente, sans dramatisation pompeuse, il écrit sa découverte.
Il accompagne les photos en noir et blanc de Luc-Henri Fage qui s’attache plus à exprimer les sensations qui se dégagent de ce qu’il découvre qu’à reproduire une réalité géographique. Peu de personnages, pas de mise en scène, pas de volonté de créer le spectacle, des images qui jouent avec l’abstrait, la pierre devient une matière malléable.
Texte et photos se rejoignent particulièrement bien dans le point de vue.
Un très beau livre, très réussi, qui ravira ceux qui n’hésitent pas à apprécier sensations et impressions. Aucun étalage de connaissances, de savoirs, le propos n’est pas là, et c’est ce qui fait la force de ces pages.
Il me plaît de lire ce qui semblent être des vérités sans justification raisonnée, sans démonstration, écrites pourtant par des gens devenus spécialistes du milieu. Le savoir n’est pas le sacerdoce qu’il aurait pu devenir pour cette exploration, c’est ce qui me touche : retrouver l’humain et l’intime, le rêve.

Georges Marbach : Il arrive qu’une expédition ouvre des horizons bien plus vastes qu’on ne l’avait imaginé… Nous cherchions des gouffres perdus sous les quarantièmes rugissants : ils étaient bien là, et la violence des éléments n’a pas manqué. Mais quelque chose d’infiniment précieux nous a été donné en plus : nous avons découvert une île inconnue, inexplorée, que sa situation au bout de la Terre avait préservée de toute atteinte. »

Site de Luc-Henri Fage : http://speleo.fr
Vous pouvez y feuilleter l’ensemble de ce livre.

une note d’Alexandre

Edition A l’aventure, 2005, 1000 exemplaires, noir et blanc, 72 pages, français